Bonjour Youen,
Webvert travaille sur la promotion de l’éco-conception numérique. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est essentiel pour les entreprises d’adopter ces pratiques dès maintenant ?
Nous allons même plus loin, nous sommes les petites fourmis de l’écoconception pour les sites de contenus (site vitrines, site e-commerce ou site média). On va optimiser les sites pour nos clients.
D’un point de vue écologique, adopter les pratiques d’éco-conception permet :
- de minimiser l’impact énergétique de nos logiciels (1/3 de l’impact du numérique),
- de permettre à nos logiciels de fonctionner sur du plus vieux matériel et d’éviter de provoquer de la fabrication (2/3 de l’impact du numérique).
Globalement, participer à l’effort global de lutte de l’empreinte de l’humanité sur notre environnement.
Il ne faut pas oublier que pour les sites de contenu, il y a aussi des bénéfices économiques :
- agrandissement de la zone de chalandise (disponible sur plus de terminaux et dans des zones à faible débit),
- un site plus rapide, donc avec une meilleure capacité de référencement/SEO,
- un site plus rapide, donc avec des gains de conversion plus élevés (1 seconde = 10% de taux de conversion).
Webvert a-t-il des exemples concrets de sites ou services qui ont réduit leur impact environnemental grâce à l’éco-conception ? Pouvez-vous nous en parler ?
Dans notre cas on ne parlera que de site de contenu. La mesure et les actions à mettre en place sur les services numériques (type SaaS, logiciel de gestion) ne sont pas du tout les mêmes.
Dans les éléments que nous pouvons communiquer nous avons réduit de 25% à 71% la bande passante à rendu et technologie égale de site de métropole et d’intercommunalité normande. Cela représente entre 150 kg d’eq. CO2 à 3 tonnes d’eq. CO2 pour 10 000 visites. Les gains de vitesse de chargement ont été de 10% de 35%. La réaction d’un des élus était : “le site remarche sur mon vieux téléphone en 3G”. Il en est même ressorti avec un axe social.
Dans un axe plus commercial, une de nos dernières références est un site de colonie de vacances. Au delà des 2 tonnes d’eq CO2 enlevés, on a gagné 1 seconde de chargement par page. Comprenez que, une seconde c’est environ 10% de conversion supplémentaire. Cela permet aussi de travailler le pilier technique du référencement. Notre client a constaté qu’il y a eu une croissance des visites organiques sur leur site web par rapport à leurs chiffres habituels.
appYuser propose, via son module appYplanet, un volet dédié à la mesure de l’impact environnemental des produits numériques. Selon vous, en quoi la mesure de cet impact peut-elle aider à mettre en place des pratiques d’éco-conception efficaces ?
appYuser étant basé sur la performance utilisateur, une grosse partie du travail tactique est déjà en place pour évaluer et prioriser des actions d’améliorations. Cela permet aussi d’amener des personnes du product management, des UX Designers, des personnes du marketing et des personnes du RSE (avec appYplanet) sur une même plateforme et des objectifs communs.
Par rapport aux outils du marchés, appYplanet va être beaucoup stratégique et RSE compatible avec des rapports et score PEF.
C’est un point important, le score PEF va permettre d’amener le RSE avec l’éco-conception. Et c’est plus difficile qu’on le pense, l’éco-conception et l’évaluation de l’impact environnemental du numérique sont encore des domaines émergent par rapport au transport ou au bâtiment. C’est plus compliqué à appréhender par les équipes RSE.
La performance utilisateur et l’éco-conception sont souvent considérées comme deux objectifs distincts. Comment pensez-vous qu’ils peuvent s’allier pour créer des produits numériques plus durables ?
Cette question, c’est l’objet d’une partie de nos travaux de septembre avec la conception d’un indicateur d’obsolescence matérielle et une présentation à WeLoveSpeed, la conférence française dédiée à la performance utilisateur. Vous la retrouverez bientôt sur leur chaine Youtube.
En résumé, l’éco-conception et la performance sont un même jeu de pratiques. On va mesurer un système à améliorer, identifier le plus gros goulot d’étranglement, l’améliorer, mesurer, et ainsi de suite.
L’éco-conception va ajouter 2 grandes contraintes supplémentaires à cette approche:
- un système plus rapide pour l’utilisateur qui fonctionne avec autant voire moins de serveur. (vous n’avez pas le droit d’augmenter le nombre de nœuds dans votre cloud).
- un service numérique qui fonctionne toujours, voire mieux sur les anciens terminaux, l’optimisation du système ne doit pas provoquer d’incompatibilité matérielle. Il doit même permettre de mieux fonctionner.
Cela concerne la partie optimisation de l’éco-conception. L’éco-conception passe aussi par une remise en cause et une simplification des fonctionnalités. Le plus souvent un travail avec des ergonomes, des UX designer vous permettra d’avoir une expérience plus simple pour l’utilisateur et souvent plus sobre énergétiquement.
Je connais même des personnes qui sont si attachées à l’expérience utilisateur, qu’elles font de l’éco-conception sans le savoir.
L’éco-conception est souvent perçue comme une démarche coûteuse ou complexe à mettre en place. Si vous deviez donner un conseil aux entreprises qui souhaitent intégrer l’éco-conception dans leurs projets numériques, quel serait-il ?
La version courte : Passer à l’action et commencer des cycles d’apprentissage.
En version longue, intégrer l’éco-conception dans le cycle de vie logicielle de votre site web ou votre service numérique. Utiliser des outils pour avoir des points de mesure afin de pouvoir prioriser vos actions et vos critères de qualité et enrichissez-les au fur et à mesure de votre maîtrise du sujet et de vos ambitions.
Sur l’aspect coût, n’oubliez pas qu’il y a des bénéfices liés à l’éco-conception en fonction de la nature du service numérique :
- DSI/Tech : baisse des coûts d’infrastructure/finops.
- Marketing : baisse du taux de rebond, amélioration de la conversion et du référencement.
- Product Management : meilleure expérience utilisateur, meilleure adoption, NPS.
Vous remarquerez que je n’ai pas parlé de faire venir plein de consultants pour faire de la conduite du changement ou passer une certification coûteuse. Mais de passer à l’action sur une ou plusieurs petites équipes et de faire tâche d’huile dans l’organisation.
Pour finir, je vous liste ci-dessous des mauvaises pratiques qu’il est facile d’éviter :
- Utiliser le mauvais outil pour mesurer un service numérique. En effet, il y a plein de nature de services numériques, chacune utilise les ressources informatiques de manière complètement différente. Arrêter d’utiliser des indicateurs de site web (ecoindex, website carbon, auto-diag webvert) pour évaluer des applicatifs web, des sites de streaming, ChatGPT. C’est absurde. Nous avons publié un panorama des solutions pour éviter ces erreurs.
- Appliquer des bonnes pratiques de référentiels sans jamais en mesurer l’impact sur son propre service numérique. Évaluer, mesurer avant. Appliquer des pratiques au fur et à mesure et valider la progression avec des nouveaux points de mesure. Intégrer le processus dans votre cycle de vie.
Que pensez-vous de la dernière version du RGESN (2024) ? Sur quel référentiel vous basez-vous ?
Malheureusement, pas que du bien. Pour ceux et celles qui veulent du détail nous avons publié une analyse de la dernière version du RGESN (Partie 1 Partie 2 Partie 3).
En résumé, le référentiel de 2021, était une première version qui était très web vitrine. Il a eu pas mal de compléments pour les équipes de product management. Pour les équipes développements de produits au sein des startups, éditeurs et DS, c’est encore très pauvre. Nous sommes très loin de la qualité d’un RGAA pour l’accessibilité.
Il souffre aussi d’erreurs grossières sur le chapitre 6 où l’efficience énergétique a été priorisée sans prendre en compte l’impact sur les incompatibilités matérielles et donc l’impact sur la fabrication (2/3 de l’impact du numérique). Un format d’image compatible avec seulement 20% de la flotte de mobile a même été fortement conseillé.
Enfin, les premiers retours des sociétés mandatées pour faire des déclarations d’éco-conception ne sont pas très optimistes. C’est lourd et peu exact. Par exemple, sur les critères sur lesquels nous travaillons à Webvert. Nous savons que ce n’est pas binaire, 0 ou 1. C’est un pourcentage d’obtention. Que l’on peut obtenir avec des outillages appYuser ou l’auto-diagnostic Webvert et plein d‘autres. Actuellement, les déclarations se basent sur du déclaratif ou un échantillonnage.
Si cela peut paraître une vision de français râleur, sachez qu’au sein du slack des designers éthiques, nous sommes en train de créer un consortium d’associations du domaine (INR, Boavizta, Green IT, Designers Ethiques…) pour pouvoir améliorer et faire vivre le RGESN.
A Webvert, nous ne nous basons pas sur des référentiels mais sur la donnée. Cette donnée provient de nos expériences de décarbonation de nombreux sites web. Nous mesurons avant le potentiel de certaines pratiques et si elles ont un impact de moins de 4%, nous ne la mettons pas en place. Nous nous focalisons sur les actions qui ont le plus d’impact. Les actions ont aussi un coût énergétique.
Cependant, pour nos clients qui utilisent un référentiel nous avons un mapping de nos actions avec les référentiels actuels (une petite dizaine de critères).
En parlant de référentiel, il y en a 3 principaux :
- le RGESN (et son cousin le GR491),
- les bonnes pratiques d’éco-conception de GreenIT,
- le Web Sustainablity Guidelines du W3C.
Nous avons analysé les 2 premiers, RGESN et Bonnes Pratiques de GreenIT. Ils sont à conseiller pour les personnes qui construisent des sites de contenus (site vitrine, ecommerce, blog, médias hors streaming).
Si vous êtes concepteur d’un service numérique applicatif (SaaS d’une startup ou un éditeur, logiciel de gestion dans une DSI), ces 2 référentiels vous laisseront sur votre faim. Vous devrez passer par un outillage de mesure et une intégration de ces mesures à votre intégration continue.
Quant au référentiel du W3C, nous allons prochainement en faire l’analyse sur notre blog. Pour nous, c’est très probablement l’avenir, il y a des contributeurs de nombreuses associations et organisateurs du globe. Je crois que toutes les associations françaises sont représentées et surtout sa construction est beaucoup plus démocratique que les 2 référentiels français. La gouvernance d’un projet est très importante pour le W3C. A surveiller !